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Le petit monde de Cocotine
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10 septembre 2010

Premières impressions

Le type qui m'avait recrutée ne m'avait laissé aucun espoir en matière de déco : "Je vous préviens, les locaux ne sont pas de première jeunesse." Il m'a effectivement suffit d'une visite guidée à travers les deux étages du bâtiment pour être persuadée que je n'avais aucune chance de voir une équipe d'Intérieurs débouler pour filmer le carrelage terne et les PC démodés.

Côté ambiance, impossible de confondre avec la Défense. Pas de commercial en sueur qui court dans les couloirs, sa liste d'objectifs chimériques à la main ni de secrétaire prétentieuse qui toise la nouvelle et l'inscrit aussi sec dans sa liste d'ennemies à abattre ni même d'arrivistes aux dents acérées qui jonglent avec sadisme entre brimade et flagornerie.

Tout est étrangement calme. Mes nouveaux collègues sont doux, polis, souriants et non-violents.

A mon arrivée, j'ai été priée de m'installer au poste dit "vacant" où je n'ai pas mis quatre secondes pour capter que le mot n'était pas employé à tort. Les touches du téléphone sont couvertes d'une couche de poussière rébarbative et quelques moutons errent ça et là entre les tampons sales et les pots de crayons entourés d'élastiques en voie de décomposition avancée. Le papier à entête et les enveloppes nagent dans l'oubli, disposés sans aucun ordre dans une banette à la couleur incertaine. Des post-it délavés collés au disque dur témoignent qu'une quelconque auxiliaire a déjà souffert des lombaires sur cette chaise bleu dur qu'on ne peut décemment pas qualifier d'ergonomique.

Supporter une telle crasse au quotidien étant au-dessus de mes forces, ne serait-ce que pour vingt-trois jours, je réclame vite fait un chiffon à ma voisine qui, relativement désabusée, m'explique que la femme de ménage manque de temps pour faire son travail correctement. Armée de lingettes au doux nom de "Niceday", je me lance dans un réaménagement de l'espace alloué tout en me disant que si l'argent public est gaspillé quelque part, ce n'est certainement pas du côté entretien qu'il faut mener l'investigation.

Un saut à la cafétéria minuscule et dépourvue de fenêtre me conforte dans mon analyse. Le micro-ondes est repoussant, la cafetière maculée, la bouilloire encrassée et quand mon regard écoeuré tombe malencontreusement sur la hotte, je frôle l'apoplexie.

Mais comment font ces drôles d'hurluberlus pour naviguer dans une telle atmosphère sans qu'aucun d'entre eux n'ait succombé à l'envie pressante d'enfiler une paire de Mapa vert pomme ? D'un seul coup d'oeil, je mesure l'étendue des dégâts et le planning que je m'imposerais si j'avais à fréquenter l'endroit de manière récurrente. Mais comme je n'ai pas l'intention de camper là, je classe le projet en pensant que mes futurs-ex-collègues n'ont qu'à expédier un dossier à Valérie Damidot.

Mis à part ces anecdotes, tout est verrouillé à merveille. Dévoué, mon responsable consacre une partie de sa matinée à me dévoiler les mystères du monde du déchet et dès l'après-midi, je suis conviée à une réunion plus que fascinante dans le Saint des Saints.

Le crâne farci d'ordures ménagères et de déchets secs, je m'entraine à truffer ma prose de sigles-barbares-qui-font-pro, à espionner le camion poubelle,  à jauger le discours de l'administré qui veut à tout prix changer de bac et à assimiler toutes les subtilités d'un compostage dûment équilibré.

Bonne élève, me voilà finalement prête à accueillir l'usager perturbé, acharné, exalté voire emporté.

Ainsi se sera déroulé mon premier jour dans la FPT. Vendredi soir, j'aurai déjà décelé quelques fêlures dans ce petit monde apparemment lisse et insouciant. Une chose me paraîtra pourtant évidente. Quand on n'a pas à craindre d'être licencié pour un oui ou pour un non, on est forcément beaucoup plus détendu.

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