Le baratin du samedi 19 novembre 2011
Dans ce monde débile où l'on préfère rassurer des marchés irrationnels plutôt que d'apaiser les peuples et où l'on nie volontiers les dangers potentiels de l'énergie nucléaire pour sauvegarder des intérêts économiques, je continue à gamberger sans relâche sur l'avenir de l'humain.
Ca me distrait.
D'ailleurs, pointer du doigt tous ces horribles fraudeurs qui plombent le budget de l'Etat
en volant les français
ça, c'est une croisade palpitante qui me mettrait presque en transe. Si jamais l'exercice pouvait être élargi aux paradis fiscaux, allez savoir, d'un coup, d'un seul, ça pourrait drôlement renflouer les caisses sans même que la middle class ait à se saigner encore et toujours plus.
Oui, décidément, ces quatre jours de carence pour le privé quand le public n'en a qu'un tout petit, ça m'a laissé pantoise. Je ne prêche pas pour ma nouvelle paroisse, c'est vrai, mais d'un, je suis avide d'égalité et de deux, je ne suis toujours pas fonctionnaire et apparemment loin de l'être.
Et, pour être franche, ma semaine, si ardente pourtant, s'est finie en eau de boudin.
Quinze jours que je dissèque des dossiers parfois douteux pour le bien de l'humanité et sans moufter, tout en priant pour que l'huile trois-en-un que je vaporise consciencieusement et virtuellement chaque matin sur la roue de ma fucking life réussisse enfin à la dégripper.
Parce qu'un contrat de six mois, c'est peut-être mieux que rien, comme je l'entends à droite, à gauche,
mais ce n'est pas non plus la panacée.
Et surtout, ça peut s'avérer destructeur.
En deux misérables semaines, de subterfuges en manigances, j'ai déjà réussi à trouver un vieux bureau bien astiqué, une chaise à roulettes qui a toute sa peau et un Stabilo encore en vie. Je connais le code de la photocopieuse par coeur, je tutoie mon chef et j'ingurgite docilement toutes les chouquettes, les Bounty et les gâteaux maison qui me sont cordialement offerts.
D'ici trois semaines, j'en serai probablement à sucer la poire à mes collègues préférés et à refaire la collectivité à la machine à café en vantant les bienfaits d'un potage à la tomate à 10h17.
Autrement dit, en une moitié d'année, j'aurai largement eu le temps de prendre mes aises et de m'ancrer dans la place.
L'erreur.
Car le 30 avril, le glas sonnera et il faudra mettre les voiles sans la moindre prime de précarité à me mettre sous la dent pour tromper mon désespoir.
Tout ça pour vous expliquer que pour éviter cette nouvelle chute que je ne pense pas mériter, je me suis accordée l'incroyable audace d'envoyer mon CV si pimpant pour remplacer l'une de mes collègues qui, fin décembre, va voir ailleurs si l'herbe est plus verte.
Evidemment, j'ai essayé de rester sur mes gardes et de ne pas m'emballer puisque la gentille chargée de recrutement qui devait examiner ma candidature m'avait déjà envoyé paître en octobre sur un poste similaire. Malgré cela, j'avais tout de même une raison essentielle d'avoir un brin d'espoir : je faisais désormais partie des murs et personne ne se plaignait de la qualité de mon travail.
Pourtant, hier après-midi vers 14h13, j'ai appris que j'avais été, une nouvelle fois, écartée du recrutement. Là, je dois avouer que mes instincts primaires ont pris le dessus et que, l'espace d'une poignée de secondes, je me suis imaginée, vêtue d'une peau de bête puante, les cheveux embroussaillés et le sourire faisandé, défoncer la porte de ce
capitaine de pédalo
pour lui péter toutes les dents en deux temps trois mouvements.
Puis j'ai réalisé, en regardant mes jambes recouvertes d'un collant écossais ô combien fun, qu'on était en 2011, et j'ai donc choisi de chialer de rage et de dépit devant mon écran, non sans avoir appelé mon Léon à la rescousse pour lui notifier mon éième
Je ne peux plus.
Après tout, pourquoi n'aurais pas le droit, moi aussi, comme tous les français, d'afficher crânement un
7,3/10 en note de bonheur ?
Pour me consoler, j'ai écouté les news et quand j'ai appris qu'être gentil et généreux avec son prochain libérait des endorphines et agissait donc en anti-dépresseur et qu'ensuite, j'ai vu cette campagne de pub montrant les grands de ce monde s'aimer follement les uns les autres, j'ai décidé, dès lundi, d'attraper cette teigne de recruteuse et
de l'embrasser à pleine bouche.
Vous croyez que ça va marcher ?
Bon week-end à tous
et n'oubliez surtout pas d'être heureux
envers et contre tout et tous !