Après ces quatre jours de bonheur intense et ces trois nuits de sombre pénitence, la douleur qui m'a assaillie lorsque j'ai dû reprendre le chemin de l'exil a été proportionnelle à la joie que mes vertèbres ont éprouvée à l'idée de retrouver un matelas potable.
Pour me consoler d'un tel déchirement, j'ai fouiné au kiosque de Montparnasse et j'ai misé tout ce qu'il me restait dans mon porte-monnaie sur Elle à Table.
J'ai bien fait,
et c'est peu de dire que j'y ai trouvé tout le réconfort dont j'avais besoin.
En page 12, j'ai craqué pour un sandwich à la truffe à 65 €, en page 14, j'ai salivé sur un somptueux gâteau à 125 €, puis en page 48, je me suis passionnée pour la comparaison d'un Dom Pérignon Oenothèque 1969 et le thé Dong Ding wulong 1959, j'ai enchaîné en page 68 en louchant sur un mobile étonnant à 600 € et pour conclure, je suis revenue à la case départ pour contempler ce magnum de Champagne présenté dans un étui en cuir et peau d'autruche avec sabre ad hoc à 800 €.
Une bagatelle pour une fille qui venait de se prendre pour un pion du Monopoly et sauter sans scrupule de la rue de la Paix à la Place des Vosges en passant par les Champs-Elysées.
Une fois en gare de Nantes, l'ambiance a brutalement viré mais, en maîtresse femme, j'ai tout occulté. J'ai mangé du tramway bondé sans moufter, sauté dans ma voiture sous une pluie battante sans grogner, regagné mon bled paumé pour y décharger ce qui ne peut décemment pas être comparée à une malle Vuitton sans pleurnicher et préparé une platrée de haricots verts natures sans broncher.
Je me suis ensuite endormie en rêvant aux Tuileries.
Mais voilà que le lendemain matin, à 7h02, celle-qui-me-dit-tout-sur-ce-monde-débile m'annoncait très officiellement et sans prendre de gants, que ma douce France était bel et bien entrée
en récession.
A ce moment précis, j'ai dû prendre deux minutes pour m'asseoir sur mon canapé rapé et reprendre mon souffle tellement le choc était rude.
Du Ritz au Crillon,
je ne m'étais aperçue de rien.
Tous-ces-sommets-de-la-dernière-chance où des millions étaient partis en fumée pour la bonne cause n'avaient donc pas porté leurs fruits ?
Mon-PDPA-bien-aimé n'avait pas sauvé le pays ?
Je n'en revenais pas.
Etait-il possible qu'une telle malchance nous poursuive ainsi et que les A ne s'alignent plus, à l'avenir, que dans l'Association Amicale des Amateurs d'Andouillette Authentique ?
J'ai sombré dans une crise de panique.
Et si, en 2012, après que Standard & Poor's ait flingué le pays, je devenais
pauvre comme un grec ou un italien,
je ne pourrai même plus mettre 3,50 € dans un magazine aussi passionnant que Elle à Table.
Pétrie d'angoisses et bourrée de tics, j'ai fini par me calmer en repensant aux mayas et à leur promesse de fin du monde pour le 21 décembre 2012.
Complètement requinquée, j'ai appelé ma bande de potes et dans un élan d'optimisme pessimiste, j'ai réuni tout le monde pour la Saint-Sylvestre 2011 en baptisant notre future soirée eighties :
The last réveillon.
Champagne sans étui et sans sabre à gogo.
Bon week-end à tous
et n'oubliez surtout pas d'être heureux
envers et contre tout et tous !