La méthode Scarlett a ses limites. Je le sais pertinnement mais ça ne m'empêche pas la pratiquer à outrance par pure survie mentale. Le souci, c'est qu'à force de tout remettre au lendemain, le jour tant redouté finit par pointer son nez sans que j'y sois le moins du monde préparée.
C'est exactement ce qui m'est arrivé jeudi dernier.
Léon en était alors à son troisième banquet d'adieu, son deuxième pot de on-t'oubliera-jamais, ramenait des cartes géantes remplies de sans-toi-la-vie-ne-sera-plus-jamais-la-même et des cadeaux douteux qui, même s'ils avaient été offerts avec le coeur, iraient probablement échouer sur le Bon Coin dès les blessures de la rupture pansées.
Comment vous dire ?
Le dommage collatéral de la carrière de Léon que je représente depuis bientôt deux décennies maintenant a d'abord applaudi bravement puis, exténuée par le trio infernal qui dirige de manière si malsaine le service où je crame d'ennui depuis 7 mois que j'en ai l'envie de vendre des informations à Zoé Sheppard pour le tome deux, j'ai fini par repenser à cette publicité de Chanel où les filles ouvraient les fenêtres les unes après les autres pour hurler
égoïste !
Là, au lieu d'aller me coller sous la couette comme me l'avait sagement conseillé Zoé, je me suis jetée à corps perdu dans l'élaboration d'un plan de vengeance du genre divorce-express-via-Internet et inscription-immédiate-sur-tous-les-sites-de-rencontres-existants. Et portée par ma-colère-mauvaise-conseillère - je la fais direct au cas où quelque altruiste aurait la volonté de me l'envoyer dans les dents - j'ai attrapé ma plus belle encre rose pour lister les côtés positifs que la prochaine disparition de Léon allaient entraîner dans ma vie :
- plus de poils dans la baignoire,
- une lanterne plus chic,
- des nuits paisibles sans ronflements terrifiants,
- les pleins pouvoirs sur la télécommande,
- et 4 kilos en moins.
D'un coup, d'un seul, ça m'a détendue et convaincue que, moi aussi, j'allais vivre pleinement
ma vie d'égocentrique.
Et c'est à ce moment béni que les FACH ou Ferventes Admiratrices de la Charentaise Hyperactive (Chouchenn étant l'activiste la plus dangereuse du mouvement) ont débarqué avec trompettes et banderoles pour défendre la bonne foi de Léon-le-champion qui, clamaient-elles, partait en croisade pour le bien de la Cocotine's family et non pour se faire flatter le plumage, comme j'avais l'outrecuidance de le seriner.
L'affront a mobilisé ma bande de neurones frétillants et de pour en Contres, ils en sont venus à tourner comme des lions en cage. Un carnage. Finalement, tout à coup, le moins dégénéré des rescapés s'est redressé pour lancer une idée :
Faut travailler sur un projet !
Le petit malin n'avait pas tort. C'était le moment ou jamais de mobiliser mon énergie débordante pour crocheter 2 mètres par 3 de couverture en granny squares, user mes chaussures de courses neuves depuis 4 ans en faisant le tour du bled chaque soir et ouvrir enfin un tag "je vieillis bien" sur mon blog, peinturlurer ma cabane bringuebalante en rose bonbon ou commencer à yarn-bomber la caravane pas glop de Léon.
Vous le croirez ou non, mais juste à l'instant où mon ciel commençait à s'éclaircir, j'ai eu cette chance insolente de tomber sur Laurence Ferrari qui, comme un signe du destin, levait le camp en s'écriant :
Allez Yallah !
Ni une, ni deux, j'ai repris la formule à mon compte et remotivé mon troupeau de cellules frelatées. A l'heure où la simplicité était érigée en leitmotiv, il fallait arrêter de se compliquer l'existence et vivre l'instant présent.
Ca a duré ce que ça a duré.
A 6h35 ce matin, Léon se faisait la malle en lonesome cow-boy, et à 6h46, j'étais planquée au chaud dans le lit de Miss Cocotine qui, loin de pleurnicher comme sa mère, prit le taureau par les cornes et s'exclama joyeusement :
Mouchoirs à volonté !
Le carpe diem avait comme-qui-dirait pris du plomb dans l'aile.