Le baratin du jeudi 26 avril 2012
Si j'osais, je viendrais bien vous raconter ma semaine pathétique mais j'ai peur que vous ne me preniez pour une pauvre mythomane qui en rajoute des caisses pour se faire remarquer.
J'ai beau persévérer dans le qi gong et me masser le plexus avec des huiles essentielles, je sens que mon dossier reste scotché sur le bureau de Bouddha avec ce post-it jaune vif : "La pousser au meurtre, elle prendra perpète, se pendra en taule et là, on pourra enfin l'expédier chez les écureuils de Regent's Park. MAIS PAS AVANT."
Figurez-vous que Léon le champion a commencé gentiment à se demander où il allait bien pouvoir crécher dans le forty-one. C'est pas le tout de faire sa star en quittant le domicile conjugal la fleur aux dents, faut assumer. D'abord affreusement tenté par un mobil home 13 ans d'âge avec TV dans un camping deux étoiles au bord d'un lac, ce qui lui aurait permis de pêcher les soirs de blues éventuel, il a finalement craqué pour une piaule chez les curés.
Oui, je me doute de l'effet massue. Ma copine Vanessa a cru que c'était une blague à deux balles.
Que nenni.
Une cellule sans télé.
Mais avec demi-pension.
Là, j'ai senti comme un reproche dans ses yeux gourmands et j'ai mesuré toute la frustration du gars que je nourris, depuis que je suis une femme hyper active et super brillante, au haricot vert extra fin et à l'épinard en branches made in Picard.
Mes neurones se sont emballés et l'air hagard, j'ai tenté un mais-qu'est-ce-que-tu-vas-faire-le-soir-sans-télé-? auquel Léon, narquois, a répondu sans se démonter :
Je vais faire une retraite spirituelle.
Venant d'un matérialiste pure souche et parfois pire qu'une péroxydée à carte bleue greffée au bout du bras, la remarque ne manquait pas de sel.
Dépassée par ses décisions loufoques mais relativement rassurée par le site de ladite communauté sur lequel de petites cloches surréalistes remuent gentiment leurs ailes, j'en suis arrivée à la conclusion que cette sage décision ne lui ferait pas de mal et je suis revenue à mes moutons, c'est-à-dire à mon petit boulot à deux balles.
Comment vous dire ?
Alors qu'on attaquait bravement le cinquième jour sans chauffage avec 14° au thermomètre et que, pendant que mes petits camarades se promenaient dans les couloirs, l'un avec un bonnet vert pomme, l'autre avec son manteau d'hiver par-dessus son blouson d'été et que je me calais contre mon tas de graines de lin passées au micro-ondes de la cafet' orange seventies, les marteaux piqueurs et les coups de masse sont venus, d'un coup d'un seul, rappeler à toute la troupe que les travaux de rénovation du rez-de-chaussée venaient officiellement de démarrer.
Entre les murs qui tremblaient et les collègues qui pétaient les plombs, j'en ai appris des vertes et des pas mures sur la manière dont cette non-anticipation avait été soigneusement programmée.
Impossible de vous décrire la matinée qui a suivi, vous ne me croiriez pas. Entre une crise de rire et une séance d'effarement, j'ai baptisé l'épisode number 135 de ma vie de novice dans la FPT* :
Au-delà du réel.
La direction nous a cordialement invités à prendre un café et proposé de nous fournir des bouchons d'oreille. Puis il a été question de déménager à droite, à gauche, histoire de briller dans le last.minute.com.
Aujourd'hui, j'ai traversé ma journée assise sur ma bouillotte et emmitouflée dans une polaire, avec Agnès Obel dans les oreilles pour essayer d'oublier que les ouvriers avaient fougueusement entrepris de défoncer le sol juste au-dessous de mon fauteuil troué.
Eh bien, moi, ce soir, je me dis
njut, njut, njut* !
Ces bouffonneries me mettent le coeur en joie. Et dire qu'il y en a un qui claironne que ce n'est même pas un
vrai job,
quand il ne pointe pas d'un doigt féroce les joyeux lurons que j'irai, dans deux mois, rejoindre à Pôle Emploi.
Après tout, je m'en tape le coquillard que les qui-savent-tout-sur-un-chômage-auquel-ils-n'ont-jamais-eu-la-chance-de-goûter se mettent à déblatérer sur mon compte. 60 jours à ce tarif-là et
je serai sourde.
Craché, juré, tout ça, c'est vrai.
* Fonction Publique Territoriale
* ça se prononce nioute, nioute, nioute - c'est juste pour vous faire croire que je suis bilingue suédois - et ça veut dire profiter, désirer, découvrir, vibrer, s'éclater, délirer, rêver, découvrir, jubiler ...