Mon Léon m'avait sériné toute la semaine : Ce week-end, je m'occupe du trou. La journée de samedi étant destinée à manger des crêpes à Vannes, j'avais donc placé tous mes espoirs dans celle de dimanche.
Dimanche matin, rien.
A 14h, pas davantage.
Deux heures plus tard, mon Léon, pas angoissé pour un sou par sa mission dominicale, déballa son vieux Monopoly et se mit à jouer. Ca s'annoncait périlleux.
Après avoir passé trois heures à enseigner tous ses ficelles à Miss Cocotine qui, si le système n'était pas en train de s'écrouler lamentablement emportant avec lui mes trois sous d'économie, aurait pu s'engager brillamment dans la finance, mon Léon a décidé, à 19h07, de s'attaquer au placo. Ravie par cette initiative tardive mais néanmoins prometteuse, je me mis aux fourneaux comme toute bonne MAF qui se respecte.
Après quelques allers et venues entre la boite à outils et le lieu du crime, il finit par déambuler nonchallament dans le salon si bien qu'inquiète, je m'enquis de l'avancée des travaux de rebouchage d'un Alors, t'en es où ? auquel il répondit un peu gêné :
Ben, j'ai pas de plâtre.
L'affaire prenait décidément un vilain tour.
Mais ce ne fût pas le seul désagrément de ma journée car aucun clone de Chabal n'ayant frappé à ma porte, je traversai mon dimanche le plus mollement possible, bercée par deux questions existentielles : combien-je-vais-commander-de-pelotes-de-laine et comment-je-vais-faire-de-jolies-étiquettes-pour-mes-classeurs-neufs.
Autant vous dire qu'à 20h45, quand je me suis jetée dans mon fauteuil club rapé pour écouter pieusement Thomas, le remplaçant de Guy,
je pétais la forme
Et comment vous dire ?
Mon excitation est allée crescendo jusqu'à l'apparition de ce tableau démontrant clairement que c'était les classes moyennes qui déboursaient le plus de taxes. Et pour m'achever, l'économiste Thomas Pikéty, présenté comme l'un des meilleurs connaisseurs du système fiscal français, affirma alors clairement que les français étaient inégaux devant l'impôt.
Et les exemples qui suivaient étaient là pour enfoncer le clou.
Au moment où j'attendais sagement mon solde à payer, je devais me rendre à l'évidence : j'étais vraiment une pauvre gourde. Comment j'en arrivais à devoir de l'argent à ma trésorerie quand ceux qui étaient censés lui apporter 9000 € à 12000€ s'arrangeaient pour en être exemptés.
Ca méritait réflexion.
C'est là que la voix off a éclairé ma lanterne. Comme ce gros contribuable, il fallait simplement disposer de 150000 € pour investir dans l'immobilier locatif et bénéficier ainsi des lois Scellier ou Girardin.
De la vraie niche fiscale,
pas de la gnognotte comme les 25% accordés en 2009 pour le changement de la chaudière défectueuse et dangereuse que m'avaient refourguée les anciens propriétaires ou les malheureux 15% auxquels je pourrai prétendre si je change mes quatre Vélux, soit un crédit d'impôts de 70€.
Mais par quel tour de passe-passe je pourrais bien me procurer les 150000€ nécessaires ? La question restait entière.
Après la douce intervention de notre Ministre du Budget, je ressemblais à un taureau prêt à en découdre avec le nain multicolore qui agite un chiffon rouge sous ses nazeaux fumants. Pour une fille éprise de justice comme moi, c'en était trop. A 22h45, j'étais prête à chausser mes baskets pour un semi-marathon au fin fond des marais.
C'est là que mon Léon, sentant que j'allais peut-être finir par le mordre jusqu'au sang, a saisi la télé commande et m'a emmenée revivre le 11 septembre 2001 en direct des tours 1 et 2.
Ca a produit l'effet escompté.
Sans demander mon reste, je suis partie faire le tour du cadran.
Bonne semaine à tous !