Brisée
Dimanche matin, France Inter en fond.
Tout à coup, mes oreilles me titillent... Interception..."Un enfant nommé désir"... "En France un couple sur 7 qui désire un enfant se heurte à des problèmes plus ou moins graves d’infertilité."...
Tout s'emmêle dans ma tête et me voilà en mode flash back. Londres 1998-2000. L'hôpital, les piqures, les examens, les jours à compter, la mort de tout, les urgences, la torture du corps et de l'esprit...
Un jour, un ovocyte correct. On peut aller jusqu'au bout. "Here's your embrio, Mrs L." Cette fille qui entre dans la pièce avec cette seringue à la main en débitant son discours d'espoir.
L'espoir, il a passé son chemin. Plusieurs fois pour bien tout casser. Les rêves de Madame tout le monde élevée aux "Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants..." Pour aller jusqu'au bout du dégoût. A Londres, ils sont restés, mes deux débuts d'enfants.
Bordeaux 2000-2003. Rebelote. Avec la version médecins français, différente des anglais pour mettre plus de piment. Attendre au CHU avec toutes les femmes enceintes et les bébés qui pleurent. On préfèrerait l'enfer. S'enfuir vers un cabinet privé et attendre son tour, comme les autres, sans moufter. Des dossiers suspendus plein le mur.
Les mois, les années qui défilent. Rien. Le stock d'espoir est vide depuis longtemps. Plus envie. Le médecin conseille de ne pas s'acharner. Il a raison. Il parle de dons d'ovocytes, d'Espagne, de Belgique, de 20% de chances de réussite contre 2 %, il parle de l'adoption avec 100% de chances de réussite. Il a raison. Notre décision est déjà prise.
Une page est tournée parce qu'il le faut... Parce que la vie, c'est comme ça...
N'empêche que... Elles ont beau te déshabiller, te faire cracher, t'explorer, te décortiquer, les assistances sociales, les psy de l'ASE... Elles ont beau t'obliger, te faire jurer... Le deuil, faire le deuil.
Le jour de ma mort.
"Il est des douleurs qui ne pleurent qu'à l'intérieur" (Jean-Jacques Goldmann)