Juste, vous avez dit juste ?
Rue des entrepreneurs ce matin sur France Inter. Le thème : Qu'est-ce-qu'une juste rémunération ? Je tends l'oreille...
C'est vrai qu'on peut se poser la question... surtout quand on déboule dans la salle de bain à 6h34 et que la radio nous saoule avec les sommes toujours plus exorbitantes qui virevoltent dans les hautes sphères de ce bas monde...
Que croire, qui croire ? Des primes et autres gâteries que s'offrent certains seigneurs aux portes qui ferment brutalement sur des salariés exaspérés et abattus, on ne sait plus à quel saint se vouer. Sauf, qu'un moment donné, faut bien choisir son camp... Ouh la la, c'est compliqué, là. Parce que les séquestrations, on trouve que quand même, ça va un peu trop loin. Et en même temps, on voit bien que ces gens sont manifestement à bout et on s'interroge : "Mais s'ils en arrivent là, c'est forcément qu'il y a une raison. Pourquoi dans d'autres pays d'Europe, les salariés et les patrons parviennent à trouver un consensus alors qu'ici, on en arrive à parler de... REVOLUTION..."
Révolution, voyons voir... Est-ce-que je suis prête à monter, fourche en main, sur le 55 du Faubourg-Saint-Honoré ? Euh... Réfléchissons...
Soyons pragmatique, revenons à ce qu'on connait hyper bien. Nos nombrils. Aïe, pas brillant. Perte sèche de pouvoir d'achat depuis des années déjà. Pourtant y'a de la bravitude... Déménagement à 800 km 2 fois en 4 ans pour suivre l'homme qui lui-même court après le travail, tout ça après avoir supporter 3 licenciements à deux avec Prud'Hommes, ça relève de l'exploit ! Eh ben, même pas récompensés... Un bilan s'impose avant d'attraper la fourche...
L'homme
Il travaille bravement dans une société régionale qui se porte plutôt bien. Un poste clé, un statut cadre certes, mais alors très loin du cadre sup', pas même du cadre moyen, mais plus proche du petit cadre qui fait des tonnes d'heures et qui, en compensation, est convoqué à la remise des prix de janvier, la fameuse évaluation qui donne droit ou non à une augmentation personnelle. Oui, personnelle car chez ces gens-là, on ne pratique pas d'augmentation générale en raison de l'inflation. Probablement que l'inflation, ça ne remet pas en cause leurs week-end golf à La Baule.
Année 1 : Zéro augmentation. Ben quoi ? Tu viens d'arriver... T'as pas fait tes preuves... Bon, soit !
Année 2 : On apprécie tes efforts. Allez, une augmentation. Combien ? 31 € nets par mois ? Ah génial ! L'homme a fait la gueule jusqu'à fin janvier...
Année 3 : Non, t'es pas assez si, t'es pas assez ça. Ah bon ? Verdict : pas d'augmentation. L'homme est rentré en dépression presque profonde jusqu'en mars... J'étais à deux doigts d'appeler un psy...
Année 4 : Ca y est, t'as remonté la pente, mon vieux. Allez, une augmentation. 35 € nets par mois ? Ah génial ! L'homme a courbé l'échine et a remercié. Il n'a pas fait la gueule en janvier. Il déclare que ça lui passe au-dessus. Moi pas.
Je résume. En 4 ans, 31 + 35 = 67 € d'augmentation, soit 16,75 € par an. Glorieux, non ?
Moi, la "qui-suit-l'homme"
En apnée depuis mon licenciement en 2003. Impossible de ressortir la tête de l'eau. Dès que j'essaie, une bonne âme me renvoie direct au fond. Au gré des emplois de l'homme, j'ai rempli et vidé quelques dizaines de cartons, passé des heures à pleurnicher dans les agences immobilières (tiens, ceux-là, je les hais profondément...), géré toutes les galères post déménagement-à-l'autre-bout-de-la-France, monter et démonter une pâtisserie, surmonté deux parcours d'adoption dont un réussi, fait pousser Miss Cocotine de 70 cm à 1,13 m, bidouillé deux blogs toute seule dans mon coin, cousu des tonnes de fanions, envoyé 6 cm de candidatures, testé l'AFPA et soutenu l'homme de janvier à février selon les années... Paraît que j'ai un trou dans mon CV ! C'est Pôle et les recruteurs qui le disent. Et eux, ils savent...
J'ai perdu mes indemnités Assedic depuis belle lurette, mon amour-propre avec, j'ai perdu la maigre alloc de la CAF pour Miss Cocotine, j'ai perdu tous mes statuts, y compris celui de demandeur d'emploi parce que je saturais qu'on m'assène mille conneries et qu'on exige que je fasse de la soudure à Saint-Nazaire, et je suis à deux doigts de perdre mon numéro de sécu. C'est ma copine Nadine, hier matin au coin de la rue, qui m'a ouvert les yeux sur les sombres intentions du régime général à mon égard... Je vais bientôt être ayant-droit de l'homme, autant dire que je vais disparaître du circuit. Ben, ça craint du boudin, l'affaire !
Et si jamais un jour de chance, avant d'être complètement moisie, j'arrive à retrouver un job, j'aurai quel salaire ? Celui d'il y a 10 ans, 15 ans, 20 ans ? Trop valorisant ! Pôle et ses copains disent qu'à Nantes les salaires sont bas et que au point où j'en suis, je peux bien accepter le SMIC. Ben oui, c'est ça, et puis c'est la crise, non ?
Moi, je vous le dis, la crise elle a bon dos !
Alors, je la fais, la révolution, ou pas ?