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Le petit monde de Cocotine
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26 décembre 2009

Joyeux Noel et bon chômage

Jeudi 24 décembre 2009, 8h30. Je quitte la maison bien emmitouflée et je saute dans ma décapotable pour vivre le moment le plus excitant de ma vie professionnelle de l'année :

mon premier et dernier entretien d'embauche de 2009

C'est un mi-temps vanté par une petite agence d'intérim du coin qui pourrait me rapporter la coquette somme de 4 heures par jour X 9,56 € bruts. Vexée comme un pou que ma formation en gestion de paie se soit soldée par un échec cuisant, je me refuse à faire le compte de ma future fortune de salariée de base. En même temps, c'est pas plus mal. Je risquerais de mal digérer mon breakfast. Mieux vaut se concentrer sur la rencontre du troisième type qui m'attend.

Après 20 minutes de route, je me gare dans une sorte de no man's land postée sous un pont terrifiant. A peine sortie de ma voiture, une nausée violente m'attaque et je me dis qu'il faut être très fort pour rappliquer ici tous les matins en sifflotant sans avoir une valisette de Prozac en bandoulière.

Je franchis le seuil et dès l'accueil, je note l'humeur douteuse de l'hôtesse d'accueil. L'état des lieux me laisse perplexe. Une chose est sure. Je suis loin de la Silicon Valley.

Dans l'escalier, deux jambes apparaissent. A cet instant précis, je tiens encore l'espoir de voir débouler un type qui me donnerait envie d'accepter un tel salaire. Et là, devinez quoi ?

Je serre une paluche molle tout en me disant que Pierre Richard, à côté de moi, il a la baraka. Comme pour en rajouter une couche, le gars salue la standardiste d'un "Bonjour jeune fille" qui séduit tellement la quadra qu'elle en grimace de dégoût. A cet instant, je commence à avoir des doutes atroces sur l'humanité de l'ostrogot. Apparemment, j'ai encore décroché le pompon. En grimpant les marches, je me sermonne et dans ma grande mansuétude, je décide de lui laisser une vague chance.

Assis dans une salle de réunion avec vue sur les bretelles gorgées de camions, il me lance une attaque surprenante : "Alors, qu'est-ce-que vous faites là ?" Je n'ose pas lui répondre que c'est bien la question que je me pose aussi et je lui demande gentiment et poliment de m'exposer la description du poste. Au passage, je tente de savoir si c'est un CDD pour surcroit de travail ou pour remplacement. Très agressif, il me répond : "Non mais pourquoi vous me demandez toutes ça ? Qu'est-ce-que ça change ?" Tout en jetant un regard derrière moi pour savoir à qui il s'adresse, je ne me départis pas de mon calme et je lui explique doucement. A ce stade, il s'agit de le rassurer. C'est juste l'antithèse du recruteur chevronné.

Cet entretien sans queue ni tête dure encore quelques poignées de minutes. J'apprends que la boite d'intérim m'a raconté des sornettes, que les horaires ne sont pas ceux annoncés et qu'il s'agit d'un poste bien plus commercial qu'administratif. Petit à petit cependant, le bonhomme se radoucit et de confidences en bavardages, il me livre quelques secrets sur sa boite qui me font comprendre son embarras et son angoisse. Le bougre mériterait fichtrement une thalasso à Carnac.

Et alors que ma tactique est à deux doigts de payer et que je sens qu'on pourrait devenir copains comme cochons, il me met soudain KO en une phrase :

"La personne, ça, c'est sûr, elle ne reviendra pas... Elle s'est suicidée."

Les sourcils restant scotchés en l'air, j'hésite entre le rire hystérique et les gros sanglots. Sans réfléchir davantage, j'en arrive vite à cette conclusion qui vaut ce qu'elle vaut : "Sauve qui peut la vie. Faut que j'me casse." Bien élevée, j'attends que mon interlocuteur mette fin avec délicatesse à cette demi heure de torture mentale d'un "Oh la la, déjà 30 minutes. Je n'ai pas le temps de rester plus. Il faut que j'y aille." et je m'enfuis à toutes jambes, non sans jeter un regard plein de compassion à la standardiste.

Une fois dehors, j'ai l'envie cruelle de me jeter à genoux pour implorer le ciel de m'expliquer pourquoi je tombe toujours dans des traquenards infâmes et je décide illico que l'heure a sonné de briser la loi des séries pourries. Ce drôle de diable se passera de mes services et je retournerai à mes chiffons et mes casseroles sans aucun regret.

La queue entre les jambes, je rentre et quand l'homme me lance d'un air gai : "Alors, c'était bien ?", je le regarde et avec toute la misère du monde dans les yeux, je lui réponds :

"Un cauchemar. Tu vas pas le croire."

Toute la journée, j'ai ronchonné, marmonné et pesté. C'était évident, ce stupide Père Noël n'existait pas.

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