Le baratin du dimanche 10 avril 2011
Mais qu'est-ce qu'elle mijote, la Cocotine ? Si telle est la question que vous vous posez en boucle depuis ce jour funeste où j'ai annoncé que je boudais et que désormais, il n'était plus question de baratiner le lundi matin, alors voici la réponse :
elle se morfond.
Engluée dans mes soucis qui ne valent pas un clou comparé à ceux des japonais, des lybiens, des ivoiriens, des tunisiens, des coréens du nord, des haïtiens, et j'en oublie certainement, j'ai cédé aux directives de mon médecin et depuis trois semaines, je prends tous les soirs mes cinq gouttes de Laroxyl.
Certes, la potion soi-disant magique de Roche, qui s'avèrera peut-être diabolique dans quelques années lorsque l'Afssaps aura à nouveau l'idée lumineuse d'effrayer et d'embrouiller la population avec une liste de médicaments dûment estampillés d'une AMM mais noyés dans un bouillon de doutes, a la vertu de me donner envie de dormir plutôt que de ruminer mais elle n’a pas apaisé la colère sourde qui gronde en moi.
Autant vous dire que la question « Comment j’ai bien pu faire pour en arriver là ? » revient volontiers me tarauder entre deux siestes. Oui, comment j’ai bien pu faire pour m’entendre dire aujourd’hui par mon médecin : « Vous allez droit dans le mur, il faut en passer par là. »
Par là ?
Par un traitement.
Aucun doute, depuis que j'ai remis mon destin entre les mains de "la biochimie dont les effets reposent sur une diminution du recaptage présynaptique de la noradrénaline et de la sérotonine, facilitant ainsi la transmission synaptique", je suis comme-qui-dirait sur le bon chemin.
Tu parles.
Même assommée par la molécule, je pourrais convaincre qui voudrait bien m'écouter que je ne suis pas dépressive.
J'en ai juste ras-la-casquette.
Ras-la-casquette d'être MAF sans l'avoir désiré et du coup chômeuse-de-longue-durée sans l'avoir mérité. Le tout noyée dans une solitude digne de l'ermite le plus retiré du monde.
Ecoeurée de me battre contre des moulins à vent, dégoûtée de subir le manque d'écoute et de compassion de l'homme, fatiguée d'être responsable en chef de la gestion d'un quotidien auquel je trouve très peu d'intérêt.
A écouter Eliette Abecassis ou Stéphanie Allénou, je me demande aujourd'hui si je ne serais pas en dépression post partum ou en plein burn out. Après tout, pourquoi n'aurais-je pas le droit, moi aussi, d'avoir mon baby blues et de l'étirer au moins aussi longtemps que j'ai attendu ma fille, à savoir 11 ans ? Et n'ai-je pas bien des raisons de cramer d'ennui et d'amertume après 5 ans à jouer à la parfaite petite MAF tout en m'épuisant en recherche d'emploi infructueuse et dévastatrice ?
Les beaux yeux de ma fille ont beau me chauffer le coeur, il n'en demeure pas moins que certains jours de caprices, elle me court gravement sur le haricot. Et quand on quitte la maison de 7h à 19h30, on a beaucoup moins besoin de disserter sur la privation de liberté que quand on reste scotchée entre la gamme complète de l'Arbre Vert et l'épopée Leclerc-Picard-la-ferme en veillant à être au garde à vous à midi et à 16h30.
Pour autant, il m'est interdit de râler, de pester, de ronchonner, de bougonner, de protester - ce en quoi j'excelle pourtant - sous peine de me voir immédiatement taxée d'un typiquement masculin "Toutes façons, t'es jamais contente." ou d'un trop facile "Ca ne peut plus durer, va voir quelqu'un.". Parfaite, je dois l'être sans faille et surtout sans bruit. Ad vitam eternam.
Sauf que.
Je n'ai plus du tout envie d'être parfaite.
J'ai envie de pèter les plombs. J'ai envie de concerts, de cinéma, de rires, de théatre, de copains, de restaurants, de voyages. J'ai envie de discuter, de partager, de vivre.
Et accessoirement de travailler pour avoir un salaire nécessaire.
Alors c'est sûr, quand on en est à revendiquer des choses aussi grotesques, la camisole chimique s'impose.