Le baratin du lundi 7 octobre 2013
Depuis que je me cramponne au bas de l’échelle de la FPT du double-four, je n’ai plus aucune minute à consacrer à ma déprime récurrente.
Fière de ma victoire sur moi-même après 7 ans d’errance à Pôle Emploi, j’ai fait ma prétentieuse et l’ai flanquée derechef aux oubliettes pour jouir pleinement de ma nouvelle vie de stagiaire.
Mis à part quelques petits loupés dus à des pointes d'extra-lucidité forcément néfastes, je me suis niée et pliée en ignorant les propos gras qui traînaient ça et là. J’ai refoulé les mais-qu’est-ce-que-je-fous-là et les comment-j’ai-pu-tomber-si-bas en tapant, photocopiant et scannant plus vite que mon ombre.
D'efforts en renoncements, j'ai atteint mon but : me faire accepter par le groupe.
Soûlée par un quotidien avilissant et terrassée par l’ennui ambiant, j’ai fini par m'endormir tous les soirs sur le canapé, à l'aise dans ma peau de surdouée
totalement sous douée.
Et ma vie a défilé, merveilleusement affligeante.
Jusqu’au jour où, après nous avoir obligés à empaqueter des dizaines de dossiers et à les déballer au milieu d'un chantier digne de ceux de Valérie Damidot, ma collectivité a inauguré ses nouveaux locaux en grande pompe.
C’était un samedi matin, le ciel était dégagé et mon dos bloqué.
Toute à ma joie de participer à ce happening incontournable, j'arborais le moins sincère des sourires quand, devant d’autres participants, l’un de mes collègues a cru bon de m’interpeller d’un :
« Y’a un élu qui cherche les toilettes ! Tu veux pas y aller ? Il a besoin de quelqu’un pour lui tenir ! »
Et c'est là qu'elle est revenue me frapper en pleine figure.
Ma dépression existentielle.
En un quart de seconde, mon humeur a viré et mes neurones, jusque-là savamment maîtrisés, se sont déchaînés.
Depuis ce jour d’exception, je suis aussi blue que Jasmine.
Cerise sur le gâteau, le semaine suivante, alors que je branchais une prise électrique, l’un de ses acolytes, 26 ans et toutes ses dents, a fait irruption dans mon espace en m’apostrophant d’un :
« T’es déjà sous le bureau à cette heure-ci ?! »
Dés-intégrée par tant de stupidité, je suis entrée dans une période illimitée de misanthropie et j'erre désormais dans les couloirs en évitant de chercher un sens à ma vie.
La passer à s'auto-censurer au milieu d'énergumènes qui ne maîtrisent pas le présent du subjonctif , c'était déjà consternant, mais là, c'est devenu accablant.
Pourvu que je ne finisse pas sur un banc à parler toute seule.