La chute
Ce matin, je me demande vraiment comment j'ai bien pu faire une chose pareille.
Une chose pareille ?
Travailler en boulangerie pendant cinq nuits.
Hagarde et désemparée, j'évite soigneusement tout miroir en me gavant des restes de Pâques.
J'ai pris 10 ans.
Aucun doute, il faut regarder la vérité en face et accepter l'idée que
je serai mitronnette dans une autre vie.
A moins que je ne me transforme soudainement en Hulk, je ne vois pas comment je pourrais assumer un job aussi dur de 3h30 à 12h six jours sur sept comme le fait brillamment mon ex collègue. Et puis sérieusement, Fun Radio qui hurle à 6 heures du matin, pour une fille comme moi qui ne supporte que France Inter, c'est une sorte de supplice auquel je ne suis pas sure de pouvoir survivre.
Pourtant, j'aurais bien voulu persévérer.
Histoire de me prouver que je suis vivante et que je vaux encore quelque chose.
A cette heure, même mes meilleurs avocats ne savent plus quel aiguillage me conseiller.
Je suis condamnée.
Condamnée à errer de ce bled maudit au Pôle Emploi de Cheviré.
Mon Rikers Island à moi.
Cloîtrée dans ma cellule, j'ose à peine envisager les solutions qui s'offrent désormais à moi :
Faire plouplouf dans la superbe liste de métiers en tension : débosseleuse, plombière, carreleuse ou chaudronnière ?
Me résigner et revenir vers la FPT et ses incohérences de recrutement ?
Investir dans un porte-jarretelles flambant neuf et débarquer dans le bureau du maire pour me constituer enfin un vrai réseau influent ?
Mettre la moitié du salaire de mon Léon dans la Française des Jeux en espérant gagner plus que 3,80 € ?
Ou me laisser mourir d'une overdose de chocolat et soulager ainsi la liste des demandeurs d'emploi ?
De quoi hésiter.
Trop embrouillée pour analyser froidement mon cas désespéré, je me vois contrainte de vous annoncer ma démission du poste de chercheuse-d'emploi-de-trop-longue-durée.
Passez-moi la combinaison carcérale
et confisquez-moi les lacets.