Au pied du mur
Un matin de juillet, ivre de soleil et probablement influencée par ma lecture du moment, j'ai juré à la montagne crétoise qui me faisait face que, foi de Cocotine, à la rentrée,
plus rien ne serait jamais
comme avant.
J'allais, moi aussi, me gaver de quand-on-veut-on-peut, de c'est-toi-qui-choisis-ta-vie et de suis-ton-instinct-et-fais-toi-plaisir.
Gonflée à bloc, j'ai décidé dans la seconde qui a suivi de flanquer mon concours d'adjoint administratif de 1ère classe
au feu,
et de vivre sereinement, loin de toute collectivité territoriale française. Après tout, j'avais suivi ce chemin à reculons, manipulée par deux-trois personnes qui trouvaient qu'au point où j'en étais, il n'y avait plus que ça à tenter.
Ca m'a fait un bien fou.
Sauf qu'une fois rentrée dans mes pénates du double-four*, et passée la période le-corps-au-bled-la-tête-en-Crète, l'ambiance torride je-suis-ce-que-j'ai-décidé-d'être a pris du plomb dans l'aile.
Le poste et l'écran, tenus à distance pendant vingt bonnes journées, histoire de m'éviter un retour trop violent, se sont donnés le mot pour me plomber la boite à neurones d'un le-seuil-des-3-millions-de-chômeurs-a-été-dépassé.
Pour autant, ça ne servait à rien de s'appesantir sur son sort. Alors ce matin, à J-1 de la rentrée, j'ai décidé que l'heure était grave et qu'il fallait se remuer le popotin.
J'ai dépoussiéré mon tas de 23 centimètres de recherches d'emploi infructueuses et j'ai patiemment classé le contenu de mon dossier ANPE-Assedic-Pôle-Emploi, ouvert en 2005, à mon arrivée à Nantes.
J'ai ensuite fabriqué un magnifique tableau Excel dans lequel j'ai flanqué mes 31 candidatures refusées par la FPT en deux ans et de fil en aiguille, j'ai découvert que, sur la dernière liste d'aptitude éditée par le Centre de Gestion du 44, j'avais encore 43 vieux amis qui cherchaient un poste.
Puis, inévitablement, en regardant tout ce fatras, je suis tombée dans un bilan à la Carrie Bradshaw sauf qu'elle, elle comptabilise ses amoureux et ses paires de chaussures, pas les claques des employeurs qu'elle a pris en pleine poire.
Des années que j'écris à des recruteurs qui me balancent dans le mauvais tas. Mon CV, refait 1267 fois, ma lettre remaniée aussi souvent, ne sont pas à remettre en cause puisque le tout a été validé par des experts en la matière.
Alors ?
Que me fait-on payer ? Le fait que j'ai suivi mon mari et péniblement refait surface après chaque déménagement ? Le fait que j'ai élevé ma petite fille pendant quelque temps, partant du principe que si j'avais été la chercher à 10000 kilomètres, ce n'était pas pour m'en débarrasser chez la première assistante maternelle venue (impossible à assumer, de toute façon, avec un seul salaire, et la crèche m'a gentiment envoyé paître sous prétexte que je n'avais pas de travail. La bonne blague.) ?
Ou mon âge ?
Ce qui me défrise, c'est bien que je n'ai aucune réponse à ces questions car même si je les pose poliment, la langue de bois pratiquée par le milieu du recrutement, tant dans le privé que dans le public, a pour conséquence que jamais, je ne saurai la vérité.
Au moment où l'état pitoyable du pays exige que tout le monde travaille plus longtemps, comment vais-je parvenir à combler les
17 ans
qu'il me reste à cotiser avant de pouvoir enfin m'enfermer dans un village de vieux totalement sécurisé et goûter à une retraite paisible et dorée ?
Mystère et boule de gomme.