L'envie de faire un saut à Paris ne m'est pas venue comme ça. De longs mois de frustration profonde côté dressing m'ont menée un matin de décembre à ce constat affligeant :
J'ai un seul jean pour passer l'hiver.
On a beau être FUNEMPLOYED jusqu'aux dents, on n'en est pas moins consciente que du jean à 79,90 €, voire plus, on en mangera quand on sera certainement moins FUN, mais beaucoup plus EMPLOYED.
Quand la neige est arrivée sur notre beau pays, j'ai soudain réalisé que si je ne faisais pas bouillonner mon réservoir à idées, à coup sûr, je mourrais de froid le jour où j'enverrai mon unique jean claquer dans le tambour.
Horrifiée par la probabilité d'une fin aussi peu glamour, j'en suis vite parvenue à la conclusion que ma solution tenait en six lettres :
A pied, à cheval ou à vélo,
il faut que j'aille chez UNIQLO.
L'unique magasin, à ma connaissance, à vendre des jeans torrides pour 39,90 €.
Mardi matin, à peine le pied posé sur le quai de Montparnasse, j'ai respiré à pleins poumons et j'ai sauté dans le 95 pour mettre mon plan en action.
A 10h47, un sourire machiavélique en coin, je gravissais fièrement les escaliers lumineux dudit Uniqlo en jurant que j'allais péter la Visa. Foi de Cocotine, il allait me le payer en kilos de tissu, l'homme, de m'avoir emburkannée dans ce bled-paumé-du-double-four.
Une queue de 28 personnes plus loin, je ressortais avec un petit sac estampillé contenant un slim chauffant et un boyfriend feu de plancher en me disant que ma vengeance n'était franchement pas à la hauteur de l'affront subi.
Accessoirement, j'ai léché les vitrines des grands magasins, contemplé le sapin géant des Galeries, reluqué l'Opéra, attrapé le 21 pour courir chez Kyo me repaître de sushis et de brochettes (menu à 11,80 €), viré chez Mariage pour 200 g de thé luxueux, fait tous les étages du BHV, puis toutes les rues de Beaubourg aux Halles, marché jusqu'à la mairie, passé la Seine en m'extasiant, bifurqué vers le marché aux fleurs, abandonné le Palais de Justice pour traverser l'autre bras en admirant Notre-Dame, farfouillé chez Gibert, le jeune et Joseph, remonté en direction de Saint-Germain en jetant un coup d'oeil chez Mulot (où l'homme a fait ses classes), louché devant Hermé, grimpé la rue de Rennes avec un crochet au Bon Marché et fini par m'asseoir dans mon TGV en rêvassant du jour où, comme je l'avais juré-craché devant la Tour Saint-Jacques, je ne reprendrais plus le train.
Ben oui, je suis une amoureuse de Paris, comme les lyonnais sont amoureux de Lyon, les nantais de Nantes, les bordelais de Bordeaux, les marseillais de Marseille et ainsi de suite pour les 36677 autres communes qui composent notre douce France.
Où est le mal ?