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Le petit monde de Cocotine
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21 mai 2011

Pause Panama

Mon Léon, armé de ses jaunes d'oeufs et de son thé Matcha nous a fabriqué de la glace pour un heureux 4 heures où polissonne comme pas deux, je n'ai pas manqué de le charrier sur son Panama ramené de London. Qui aime bien châtie bien, non ?

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21 mai 2011

Mort d'un bureau - épisode number 1

Mercredi, alors que, les yeux bouffis et la démarche vacillante, j'émergeais d'une sieste après avoir passé ma nuit à boulanger, mon Léon, en pleine RTT et resplendissant donc de fraîcheur, a décrété que c'était le moment ou jamais d'aller acheter de la peinture à l'autre bout de Nantes. Une heure et demie de trajet pour péter le budget chez Delrue, autant vous dire que l'exercice m'a fracassé l'humeur.

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, il a ensuite soigneusement planché sur un planning drastique à respecter impérativement. Trop engourdie par mes pérégrinations, ses maniaqueries me sont totalement passées au-dessus sans que je mesure vraiment les risques que j'encourrais à afficher une telle mauvaise volonté. Un coup à finir enterrée dans le jardin. Allez savoir, avec la mode qui vient d'être récemment lancée à Nantes.

Comme suite logique à ces proclamations, l'ouverture du chantier a eu lieu ce matin à 9 heures, alors que, tuée par mes-5-gouttes-du-soir, je nageais, bienheureuse, en plein rêve matinal.

Le bureau vit ses dernières heures, c'est officiel.

Tant mieux, je ne pouvais plus le blairer. Jaune vif depuis l'achat de la bicoque et sans aucun placard, il y régnait un souk que j'avais renoncé à regarder en face et que jamais, ô grand jamais, je n'oserais étaler aux yeux du monde. L'image qui vous sera servie pour illustrer le before sera donc honteusement trafiquée et ne reflètera en aucun cas la terrible réalité.

Côté main-d'oeuvre, Miss Cocotine ayant désormais l'âge de raison, ses parents peuvent l'exploiter sans vergogne, ce qui lui permet de jouer à l'apprentie peintre sans même se faire remonter les bretelles pour tâches rebelles.

Par contre, je préviens les accro du genre, mon Léon n'ayant plus une seule vieille charentaise à se mettre sous la dent, il fait maintenant dans la Birk' marine de jardin. Nettement moins affriolant, don't you think so ?

Heureusement que pour mettre du piment dans tout ça, j'ai Aznavour qui chante : "Emmenez-moi au bout de la terre..."

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20 mai 2011

Mon idole

Bien au chaud depuis des semaines dans ma vie onirique de boulangère chevronnée, j'avoue que j'ai beaucoup de mal à abandonner l'idée, saugrenue j'en conviens, de passer le reste de ma vie au fournil.

Alors, ce matin, j'ai téléphoné à mon idole, Franck Dépériers, MOF et heureux patron de La Petite Boulangerie de Saint-Félix à Nantes avec qui j'avais déjà eu quelques échanges. A 11h, il m'a très gentiment fait visiter son labo et m'a parlé de son parcours.

Lui, aucun doute, il aime le pain.

Et à l'écouter parler de son travail, j'avais sûrement des étoiles plein les yeux. C'est un boulanger passionné et heureux sont ceux qui peuvent y faire un saut chaque matin pour remplir leur cabas de merveilles. La qualité de ses ingrédients, les méthodes employées, la propreté des lieux et l'implication de ses collaborateurs font de lui quelqu'un de rare, surtout par les temps qui courent.

Cet entretien informel et tellement réjouissant m'a conforté dans ma vision des choses. Sans aucun doute, c'est auprès de quelqu'un comme lui qu'il faut apprendre ce métier qui est si dur que sans amour ni fantaisie, on tombe certainement vite dans une routine pénible et peu satisfaisante.

Mais l'excellence ne court pas les rues.

Et je sais donc que les possibilités qui s'offrent à moi sont très restreintes. A défaut de pouvoir aller vers les meilleures écoles de Paris (EBP et Ferrandi) et surtout l'INBP de Rouen qui m'a été conseillée entre toutes, pour des raisons évidentes de distance, de coût et même de délai d'attente, je n'ai pas d'autre solution que de postuler au CIFAM de Sainte-Luce pour préparer un CAP de boulanger en alternance. Il m'appartient donc de trouver un maître d'apprentissage qui m'accepte dans son fournil et c'est bien là que l'affaire se corse.

Pour avoir pris conseil auprès de boulangers qui aiment leur métier, j'ai rapidement compris que seule une infime partie d'entre eux serait susceptible de m'apporter ce que je cherche. A Nantes, le tour est vite fait et aucun ne loge près de mon satané bled. En plus, même si la formation est gratuite pour l'employeur car prise en charge par la région, peu de professionnels sont convaincus par le rythme imposé par la Chambre des Métiers qui est de 15 jours de travail par mois (et 15 jours à l'école). Ca peut se comprendre.

En second lieu, j'ai cherché à savoir si effectivement, c'était un métier en tension. Il se trouve qu'entre Pôle Emploi et les artisans que j'ai rencontrés, le son de cloche n'est pas du tout le même. Les meilleurs n'ont jamais de mal à recruter et je n'ai pas du tout l'intention d'aterrir dans la grande distribution ou chez un mauvais boulanger pour m'y ennuyer à crever.

Quant à reprendre une boulangerie ou en créer une, je sais, par expérience, qu'il vaut mieux avoir un compte bien garni pour affronter les banquiers, l'investissement, dans ce métier, étant en effet, extrèmement lourd.

Pour faire passer cette synthèse qui n'est évidemment pas à la hauteur de mes rêves les plus fous, devinez ce que j'ai fait ?

Je suis ressortie de La Petite Boulangerie avec deux pains au chocolat, un pain pistache-chocolat et un croissant...

et Miss Cocotine n'a eu qu'un pain au chocolat à 4 heures.

Quoi ?

Faut bien que je compense.

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19 mai 2011

MAF non reconnue

Moi, hier soir, sortant de chez le kiné : Tu sais, je ne vais pas pouvoir continuer la boulangerie. C'est trop dur, comme métier, j'ai mal partout.

Miss Cocotine déçue : Oh si, si, continue à faire plein de pains, Maman !

Moi interloquée et sur la mauvaise voie : Mais j'en ferai toujours à la maison.

Miss Cocotine, complétement insensible à ma fatigue : Non, j'aime bien aller au périscolaire, s'il-te-plaît, Mamounette !

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19 mai 2011

La chute

Ce matin, je me demande vraiment comment j'ai bien pu faire une chose pareille.

Une chose pareille ?

Travailler en boulangerie pendant cinq nuits.

Hagarde et désemparée, j'évite soigneusement tout miroir en me gavant des restes de Pâques.

J'ai pris 10 ans.

Aucun doute, il faut regarder la vérité en face et accepter l'idée que

je serai mitronnette dans une autre vie.

A moins que je ne me transforme soudainement en Hulk, je ne vois pas comment je pourrais assumer un job aussi dur de 3h30 à 12h six jours sur sept comme le fait brillamment mon ex collègue. Et puis sérieusement, Fun Radio qui hurle à 6 heures du matin, pour une fille comme moi qui ne supporte que France Inter, c'est une sorte de supplice auquel je ne suis pas sure de pouvoir survivre.

Pourtant, j'aurais bien voulu persévérer.

Histoire de me prouver que je suis vivante et que je vaux encore quelque chose.

A cette heure, même mes meilleurs avocats ne savent plus quel aiguillage me conseiller.

Je suis condamnée.

Condamnée à errer de ce bled maudit au Pôle Emploi de Cheviré.

Mon Rikers Island à moi.

Cloîtrée dans ma cellule, j'ose à peine envisager les solutions qui s'offrent désormais à moi :

Faire plouplouf dans la superbe liste de métiers en tension : débosseleuse, plombière, carreleuse ou chaudronnière ?

Me résigner et revenir vers la FPT et ses incohérences de recrutement ?

Investir dans un porte-jarretelles flambant neuf et débarquer dans le bureau du maire pour me constituer enfin un vrai réseau influent ?

Mettre la moitié du salaire de mon Léon dans la Française des Jeux en espérant gagner plus que 3,80 € ?

Ou me laisser mourir d'une overdose de chocolat et soulager ainsi la liste des demandeurs d'emploi ?

De quoi hésiter.

Trop embrouillée pour analyser froidement mon cas désespéré, je me vois contrainte de vous annoncer ma démission du poste de chercheuse-d'emploi-de-trop-longue-durée.

Passez-moi la combinaison carcérale

et confisquez-moi les lacets.

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17 mai 2011

Le baratin du mardi 17 juin 2011

Avant d'entrer dans la fosse aux lions, j'avais sagement pris conseil auprès de mon-toubib-préféré : "Je vais passer 5 nuits dans une boulangerie, je fais quoi ?". Sûr de lui, il m'avait rétorqué : "Si vous travaillez, vous arrêtez.", misant apparemment tout sur le dicton  "Le travail, c'est la santé."

Disciplinée, j'ai donc cessé d'avaler mes-5-gouttes-magiques, persuadée qu'effectivement, ce n'était pas le moment de dormir comme un plomb quand mon-innommable-réveil-Nature-et-Découverte se mettrait à cuicuiter à 3 heures du matin.

Oui, mais voilà. Cette interruption de traitement m'a certes permis de décaniller pour multiplier les pains sans encombre mais elle m'a, en revanche, déclenché des hallucinations terrifiantes et des troubles de perception déconcertants.

Jugez vous-mêmes.

Dimanche matin, alors qu'à 7h23, j'ouvrais mon Mac pour vous faire part de mes états d'âme, je suis tombée sur une page Orange qui annoncait l'arrestation de celui-qui-devait-bientôt-rentrer-au-pays-pour-nous-sauver. Mon coeur s'est mis à palpiter, mes yeux sont sortis de la tête et mes jambes ont flageolé. Consciente que mon sevrage pouvait occasionner des périodes d'égarement, j'ai filé sur le site du Monde, puis sur celui de Libération et enfin sur Rue 89. Partout, c'était le même refrain. Il était question d'une sombre affaire de moeurs que, prude comme je suis, je n'oserai jamais vous dévoiler ici.

Immédiatement, j'ai ingurgité 1 litre et demi de tisane d'aubépine pour me calmer.

Mais dans les heures qui ont suivi, mon malaise s'est amplifié. Chez Bruce, chez Yves ou chez David, tout le monde ne parlait plus que de lui. Je divaguais, le voyant sortir d'un commissariat de Harlem, menotté et encadré de cinq policiers, le tout bombardé par les flashes du monde entier. La presse internationale s'en pourléchait les babines et sortait des titres plus pervers les uns que les autres.

Pour tenter de sortir de cette fièvre galopante, je me suis jetée dans une baignoire d'eau bien fraîche. Sans succès. J'ai ensuite vu défiler tous les grands de l'hexagone, certains franchement pâlichons, d'autres dissimulant leur jubilation. Tout s'emmêlait dans mon imagination et les mots les plus violents s'entrechoquaient : complot, carrière brisée, justice, griffures, chaud lapin, séisme, présomption d'innocence, victime, séducteur, défense, ADN, 70 ans de prison.

Là, j'ai décidé de me coller un sac de glaçons sur le crâne. Ca ne pouvait plus durer. A coup sûr, mon Léon allait me faire interner et me coller sous tutelle.

Mais rien ne m'a apaisée et mon delirium tremens s'est accentué. Je me suis retrouvée en plein tribunal pénal avec une juge américaine qui l'interrogeait et qui décidait de l'enfermer dans une prison dangereuse et surpeuplée flanquée sur une île, pendant que ses deux avocats remballaient leur caution d'un million.

Là, j'ai commencé à douter.

Et si c'était vrai ?

Ce serait monstrueux.

Et si c'était faux ?

Ce serait crapuleux.

Transpirant à grosses gouttes et incapable de croire pareilles horreurs, j'ai fini à genoux pour implorer le ciel de larguer Jack Bauer, Derrick, le commissaire Moulin, the mentalist et Maigret afin de connaître enfin la vérité.

Ce matin, après une nuit bourrée de cauchemars épouvantables où la-fille-de essayait d'égorger mon PDPA-bien-aimé sur le toit de l'Elysée et où vêtue d'une combinaison orange, je jetais dans une urne un bulletin estampillé UMP, mon état s'était fortement aggravé.

Et là, au lieu des héros sus-nommés, c'est Papy Pale et Mamy Marisa que j'ai vu débouler.

Vous ne devinerez jamais ce qu'ils m'ont annoncé.

Un bébé à l'Elysée.

Exténuée, je me suis couchée en attendant les infirmiers.

Vous ne pensez pas que je devrais vite fait bien fait reprendre mes-5-gouttes-du-soir ?

17 mai 2011

Un tour à Paris

Pour profiter pleinement de mon jour de congé et me récompenser de ces quatre nuits de bénévolat, je me suis offert une balade magique dans les rues de Paris. Depuis, je suis sur un nuage et bon sang de bois, ça fait un bien fou.

Et vous, vous l'avez vu, ça vous a plu ?

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16 mai 2011

Complot au bled

Figurez-vous qu'ici, depuis 24 heures, c'est presque aussi chaud qu'à Harlem. Cette épopée new-yorkaise abracadabrante m'a donné une idée de génie.

Mon boulanger m'avait dit que cette nuit, nous serions seuls en tête-à-tête. Alors, en débarquant à 4 heures, je l'ai collé en lui proposant un effeuillage au fournil. A 4h06, il est monté en température et m'a coincée entre deux grilles. Feignant l'affolement, j'ai détalé en balançant mon porte-jaretelles et mes talons aiguilles dans le four à bois. A 4h12, j'ai appelé le 17 en pleurant à chaudes larmes. A 4h23, toute la brigade du bled était sur les lieux du crime pour lui passer les menottes. Interrogé depuis 8 heures, il est inculpé d'agression sur miches, de séquestration en chambre froide et de tentative de plaquage.

A coup sûr, la boulangère va se faire la malle avec le mitron et moi, je rachète le fond pour une bouchée de pain.

Finie, la panade !

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NB : Ce pain, c'est moi qui l'ai fait ! Franchement, ça se voit, que j'ai eu une bonne formation, non ?

15 mai 2011

Nantais venus d'ailleurs

Mon Léon est, je crois, épaté par ma prestation en boulangerie. J'en veux pour preuve ce compliment qu'il m'a fait deux fois en trois jours :

T'es courageuse.

Du coup, j'ai eu droit à un petit incentive hier soir : dîner au Bouchon et balade au château avec une entrée gratuite à l'expo Nantais venus d'ailleurs dans le cadre de La Nuit des Musées.

En méditant sur les parcours de ces déracinés à la recherche d'une vie meilleure, j'ai dit à mon Léon :

- Cette expo, c'est mon boulanger qui devrait venir la voir.

- Il a autre chose à faire, il commence à 3h, et tous les jours.

Bien sûr, c'est là que le bât blesse.

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15 mai 2011

Chacun son festival

Jeudi dernier, 3h42. Presque aussi pétocharde que Mélanie Laurent la veille au soir mais nettement moins griffée, je saute dans ma décapotable pour vivre le xième épisode de mon feuilleton terrestre. Il fait nuit noire, pas un chat en vue. Hantée par ma lecture en cours, je m'enferme à double tour et mets France Inter pour me sentir moins seule. Allez savoir si mon destin ne pourrait pas basculer, là, d'un coup de fil d'acier. Les rues de mon bled du double four sont tout autant sordides et peut-être même aussi dangereuses que celles de Londres en 1880.

Soudainement, je réalise que je fais enfin partie de la France qui se lève tôt. Submergée par une sorte de fierté patriotique, je m'égarerais presque dans un "Alons enfants de la patrie..." tonitruant quand une pensée émue pour mon PDPA-bien-aimé m'assaille. Et s'il lui venait ce désir fou de m'accrocher la Légion d'Honneur ? Décaniller à 3h06 pour nourrir le bon peuple français, si c'est pas un service rendu à la nation, alors je ne m'appelle plus Cocotine.

Noyée dans mes fantasmes à deux balles, j'abats tranquillement mes 4 kilomètres et aperçois enfin le filet de lumière tant convoité. Il est temps de me garer et j'hésite quelques secondes. Trop de choix. Il faut bien qu'il y ait un avantage à roder dehors à cette heure inhumaine. J'attrappe mon fourre-tout et descend héroïquement de ma voiture. Je longe la devanture et tourne à droite. Au fond du coupe-gorge, une porte vitrée douteuse est éclairée. Je toque poliment. Mon nouveau patron, la mine un peu défaite et la tignasse en bataille, me salue et m'accompagne dans un cagibi exigu donnant sur des toilettes.

A 3h56, toute de blanc vêtue et sans aucun artifice superflu, je monte enfin les marches du fournil sous les éclairs aveuglants des néons.

Enfin sur les lieux du crime.

Le premier rôle est peu bavard et du genre taciturne. Habilement et méthodiquement, je le crible de questions. Sur ses gardes, il divulgue ses secrets au compte-gouttes et acculé, m'avoue tout à trac que de toute façon, il n'aime pas la boulangerie. Trop répétitif et pas créatif. J'en suis pour mes frais. Apparemment, j'ai parié sur le mauvais cheval.

Le second rôle est à lui seul un monument de la profession. Sanguin jusqu'au bout des ongles, il jure sans arrêt et se donne un genre canaille en tapant dans les portes quand il est contrarié. A coup sûr, sur ses vieux jours, il aura son hommage à la cérémonie d'ouverture. Le pantalon plissé sur des chaussures gentiment trouées, il dévoile ostensiblement son bedon arrondi et quelques centimètres d'un sillon fessier foisonnant. Je me donne alors comme impératif de ne plus jamais baisser les yeux au-delà d'une certaine limite.

C'est l'heure sacrée des cuissons. Pains divers et viennoiseries vaporisées sont englouties par un four géant d'un côté et son pendant à bois de l'autre. D'abord en observation, le patron me tend soudain la lame de rasoir et à 4h46 précises, d'un geste mal assuré, je signe ma première baguette ordinaire.

Rapidement, je me retrouve à dégazer, souder, façonner de la flute. Puis, tel un tueur aguerri, je brandis le coupe-pate et effectue de multiples pesées. Le gigantesque pétrin agite ses bras derrière moi. Mes neurones s'emmêlent et j'essaie de comprendre où débute et quand se termine le processus de fabrication des dizaines de pains que je vois défiler.

Mon enquête minutieuse de ces dernières semaines m'est heureusement fort utile. Face à ces deux professionnels, il s'agit de ne pas se laisser impressionner et montrer que j'en ai sous le capot. Poolish, autolyse, poussée lente, apprêt, toutes mes récentes découvertes m'aident à garder la tête haute.

Vers 6 heures, un troisième personnage entre en scène : la jeune pâtissière. Apprentie de son état et sur le point de passer son CAP, elle ne me paraît être la cible idéale pour entamer une causette entre filles. Je suis déçue. Aussi brute de décoffrage que ses deux collègues, elle me renvoie vite dans mes buts en m'expliquant qu'elle déteste la pâtisserie, qu'elle se moque d'avoir son diplôme et qu'elle va tout laisser choir à la rentrée. Je bats en retraite.

La pendule tourne. Il est 6h45. Avec un quart d'heure de retard sur l'horaire affiché, la boulangère lève le rideau, dans sa petite blouse fleurie. Une poignée de clients commence à débarquer pour s'offrir un pain au chocolat tout chaud ou une ficelle qui chante, sans avoir la moindre idée de ce qui se trame en coulisses, les bienheureux.

L'intrigue prend alors une autre tournure lorsque je me mets à analyser les éléments du décor. Roger Harth est à la retraite. Ca se voit. L'état des murs, les salissures du carrelage, les fenêtres rafistolées et la poussière sous le tapis laissent à penser que le maître des lieux n'est pas une fée du logis et si quelque chose me révulse, c'est bien la négligence dans l'alimentaire. Pour garder un esprit sain, je décide de fermer les yeux sur la scénographie ratée.

Ca vaut mieux car un grand moment de vie m'attend au tournant. C'est la pause. Pas davantage de propreté dans le coin pâtisserie, une cafetière glauque et un micro-ondes maculé trônent sur un plan de travail désordonné. Heureusement, j'ai ma bonbonne de thé en bandoulière. Je crève de faim et m'attend à un service haut de gamme avec farandole de pains et viennoiserie dorée. Amère déception. Le patron apparaît avec une vulgaire baguette et commence à se faire une tartine sans aucune sollicitude pour l'équipe. Obligée de quémander, je me retrouve avec un malheureux bout de pain blanc à me mettre sous la dent. Quand je pense aux souvenirs de jeunesse de mon Léon qui, lui, se voyait offrir des sandwiches luxueux chez Mulot, je me dis qu'il n'y a vraiment pas de justice.

La conversation va sûrement combler mes manques, habituée que je suis à passer mes mercredis soirs dans les bras de Guillaume Durand face aux français ou à veiller jusqu'à pas d'heure avec FOG le vendredi pour me gargariser de la semaine mythomane de Nicolas Bedos. Mais ça parle essentiellement clubs de foot, sujet qui, il faut bien l'avouer, me laisse totalement de marbre. Le langage est fleuri, voire carrément grossier mais bonne pâte, je participe dans la limite des mes moyens. Heureusement, la radio qui hurle sert à mes compagnons l'occasion inespérée de partir sur un nouveau terrain et vient alors cette question métaphysique :

- Eh, toi, qu'est-ce-que tu ferais si tu gagnais l'Euro Millions ?

S'en suit une énumération de marques de voitures de luxe, puis, dans un élan de coeur, l'un d'eux interpelle le patron :

- Vous donneriez pas un peu aux pauvres ?

Et là, la replique vole, agrémentée du ton ad hoc :

- Les pauvres, y peuvent aller crever !

Et emballé par le sujet, ce héros du commerce de proximité explose d'un éclat d'humanisme :

- Ah non, j'achète un bateau, je fous tous les bougnoules dessus et je l'envoie au large !

Les deux jeunes ricanent bêtement. Au bord de l'évanouissement, je déglutis et classe ce film médiocre en série B.

Les deux projections suivantes me confortent dans mon jugement. Certes, le réalisateur me laisse mettre la main à la pâte sans me cantonner à la plonge ou au balayage, ce dont je lui serai certainement éternellement reconnaissante, mais dans quelle panade je suis encore allée me fourrer ?

A 11h06 ce matin, en repassant par le fournil pour saluer les deux compères, j'entends qu'ils sont encore en train de s'époumoner vertement au aujet d'équipes de deuxième division et je leur lance :

- Encore sur le foot ?

Et là, avec une verve qui n'appartient qu'à lui, mon patron me rétorque :

- Ah ben, c'est ça ou le cul !

Affligée, je lui réponds calmement :

- Ah bon... Eh bien, faites ça quand vous êtes tous les deux mais, pas en ma présence.

Et trois pas plus loin, j'ajoute entre mes dents :

- Pitié !

Sur cette happy end, le rideau est enfin tombé sur mes trois premiers jours d'EMT. Et dire que je suis supposée y retourner cette nuit et mercredi pour boucler mes 35 heures de bénévolat. Pour supporter autant de crétinisme, je devrais quand même être payée ou moins recevoir un pain quotidien en cadeau. Même pas. Tous les matins, je regarde avec tristesse la miche que j'aurais pu manger la veille au soir et qui croupit dans le sac des malheureux invendus.

Mauvais casting, mauvais scénario, mauvais décor, mauvaise musique. J'ai peut-être une chance aux Gérard.

J'irais bien passer une petite semaine à Cannes, moi.

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