Partage des tâches
Cette semaine, prenant comme prétexte la transformation radicale de mon bureau, j'ai sournoisement repoussé la corvée Leclerc-Horizon-Vert-la-ferme jusqu'à ce que j'en arrive à ce triste constat d'un vendredi soir sans éclat :
Y'a plus rien dans le frigo, c'est ballot.
N'écoutant que son courage, mon Léon m'a immédiatement susurré un j'irai-demain-moi tout mielleux qui m'a d'abord ébouie, puis épatée, puis inquiétée.
Allait-il seulement se rappeler du chemin ?
En homme d'honneur, il a tenu parole et ce matin, pendant que j'émergeais d'un sommeil artificiellement plombé par mes-5-gouttes-du-soir, il s'est lavé, habillé, peigné puis m'a réclamé une liste. Pour éviter tout malentendu, je me suis abstenue de lui envoyer un débrouille-toi trop permissif et j'ai obtempéré en notant, à sa demande, les marques, les prix au kilo et les commentaires ad hoc. Fier comme Artaban, il a ensuite trouvé opportun de lancer un bon-j'y-vais tellement triomphal que je me suis vue obligée de le ramener à la raison avec un t'as-oublié-les-sacs monstrueusement ironique.
C'est comme ça que, dûment affublé de mes cabas La Marelle, mon Léon a finalement quitté la maison à 10h22.
L'heure a tourné.
Tout en buvant tranquillement mon thé, puis en me brossant méthodiquement les dents, puis en lustrant soigneusement les robinets, puis en plongeant courageusement dans les toilettes, puis en faisant consciencieusement cuire du riz pour midi, j'imaginais mon Léon errant de têtes de gondoles en rayons et me demandais comment cette escapade improbable pouvait bien se dérouler.
Pendant ce temps, la petite aiguille trottait comme une folle.
A 12h14 précises, j'ai commencé à avoir la puce à l'oreille et brusquement, tel Thomas Pitt*, j'ai eu cette lueur de génie : mon Léon ne m'avait pas proposé d'aller faire les courses par pur dévouement,
il avait une idée derrière la tête.
Quand il a enfin déboulé avec ses commisions, c'est sans surprise que j'ai constaté qu'au milieu des yaourts et des pâtes trônaient
une majestueuse pompe à vélo
et son équivalent en modèle réduit
ainsi qu'un démonte pneu du vert pomme le plus pur.
Vous savez quoi ?
Léon le garçon, je l'adore !
* héros des romans policiers d'Anne Perry que je dévore actuellement sur les conseils avisés de Makanai.