En janvier me vient toujours cette envie furieuse de faire des bilans, le tout étant généralement suivi par les conclusions qui s'imposent.
Ainsi dimanche matin, d'un clic las, j'ai tué mes guirlandes. Ca mijotait depuis ce jour de novembre où la perception me réclama la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), jolie remplaçante de la taxe professionnelle qui, d'après mon enquête, privilégie les entreprises aux énormes chiffres d'affaires mais plombe sans vergogne celles qui vivotent péniblement. S'en est suivi un coup de mou épouvantable à l'issue duquel j'ai décidé de rendre mon SIRET à qui de droit, après avoir plaidé ma cause et réussi à me faire exonérer. Exceptionnellement.
Une fois l'affaire enterrée, j'ai fait preuve d'un courage extraordinaire et n'ai pas succombé à la tentation de m'enfermer avec pour seuls compagnons Grand Corps Malade, Barbara, Lalanne et quatorze litres de pâte à crêpes.
J'ai relevé la tête et me suis présentée souriante et bien peignée à la party galette organisée par l'homme chez un type avec lequel il fraternise tous les samedis matins en attendant la fin du cours de danse de sa fille.
Un traumatisme.
Le petit couple parfait, gentil et même pas arrogant, qui a décidé de quitter Paris pour Nantes, la ville où la vie est paraît-il si douce et où le chômage est paraît-il inférieur à la moyenne nationale. Lui a trouvé le job de ses rêves tout de suite. Elle a démissionné pour le suivre mais son entreprise l'a rappelée quinze jours après pour finalement lui offrir un poste à Nantes. Ils travaillent tous deux à quelques kilomètres de la maison qu'ils ont achetée à peine débarqués, un-vrai-coup-de-coeur, peuvent même déjeuner ensemble parce-qu'ils-sont-à-trois-minutes-l'un-de-l'autre et font garder leurs trois enfants par une nounou adorable et compétente dénichée sans encombres.
Un papier pour Femmes Actuelles ou Prima.
Imaginez, quand, poliment, ils se sont mis à nous retourner les questions et que la bouche pleine de feuilleté, il a fallu que je résume mon parcours chaotique en veillant à écarter tout détail susceptible de les amener à cette conclusion fracassante : mais-elle-traine-une-poisse-cette-pauvre-fille-comment-elle-fait.
Question légitime que je me pose aussi depuis des décennies, sans jamais avoir entrevu l'ombre d'une réponse.
Au fait, je n'ai pas eu la fève.
Quoi de plus normal ? Je n'ai jamais la fève.
Je suis rentrée chez moi comme un vieux pneu épuisé d'être rechapé à outrance.
Dommage car le programme des réjouissances de janvier ne s'arrêtait pas là. Lundi matin à dix heures, j'étais convoquée pour un entretien de l'autre côté de la Loire.
Un entretien.
Sûrement celui de 2011, l'unique.
Depuis plusieurs années, je n'ai jamais plus d'un entretien par an. C'est mieux comme ça. Vu les propositions grandioses qui me sont faites, en affronter trop, ça pourrait me tuer.
Une offre Pôle Emploi qui me promettait un CDD d'un an pour 9,40 € bruts à multiplier par 39 heures hebdomadaires, soit 169 mensuelles - juste pour vous prouver que j'ai quand même de beaux restes en gestion de la paie - sur un poste bizarrement éclectique.
Pas de quoi être excitée comme une puce.
Une fois le bac attrapé de justesse, j'ai erré dans la pampa avec ma carte Michelin à la place du mort, mais sans panneaux et sans GPS, et je suis finalement arrivée pile poil à l'heure à mon rendez-vous abracadabrant.
Dire qu'une sorte de coup de foudre nous est tombé dessus au premier regard serait pur mensonge et de notre entretien cordial mais insipide, je suis ressortie encore plus flasque que je ne l'étais la veille au soir.
Les tâches de gestion commerciale s'étaient métamorphosées en prospection téléphonique et ordre m'était donné de convertir les contacts pris lors des salons en partenariats concrets et fructueux. L'objectif était lourd et les cibles infiniment variées. Il s'agissait d'attaquer l'Asie du sud-est, les USA, le Canada et le Brésil.
Sans aucun doute, j'avais face à moi une sorte de Napoléon du double-four.
Les 39 heures s'étaient transformées en 35 mais avec deux heures de pause obligatoire le midi et cette contrainte étonnante d'opérer le même décalage horaire que le boss, à savoir + ou - 6 heures selon qu'il serait en Amérique ou en Asie sinon-vous-comprenez-bien-ça-n'aurait-pas-de-sens-on-ne-pourrait-pas-communiquer.
Le tout pour un salaire de 10,48 € bruts de l'heure.
J'ai souri bêtement pour ne pas m'étrangler et j'ai abandonné là le grand homme et avec lui, ma brillante carrière de général bonapartiste.
Miss Cocotine valait bien toutes les campagnes d'Egypte.
Tout ça pour vous dire que lundi à minuit, force fût de constater que j'avais échoué lamentablement à tricoter les mots pour en sortir un quelconque baratin. Mieux valait attendre que mes neurones daignent sortir de leur léthargie.
Alors, dans votre grande mansuétude, acceptez, braves gens, que je vous serve un baratin du jeudi après-midi.
Ca ne rime pas mais c'est comme ça.
Bonne fin de semaine à tous !