Qui suis-je ?
De cette semaine 44, je sors exténuée. Certes dans ma bataille acharnée avec les allemands, j'ai perdu 400 g et tous mes a priori sur la supposée droiture en affaire des teutons. Mais c'est surtout notre MIIINDS (Ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité Nationale et du Développement Solidaire, retenez-le impérativement, je ne pourrai pas le retaper deux fois), qui m'a poussée à une introspection épuisante dont je ne suis d'ailleurs pas prête de sortir.
C'est quoi, pour toi, être française ?
La question est apparue, abrupte et saugrenue. Je me suis figée et j'ai du coup occulté tous les autres feuilletons en cours : Villepin is back, Jacquot et tous ses amis, le H1N1 anéantira-t-il enfin toute la planète pour faire plaisir à Rosy.
Mon Préfet attendait ma conclusion. C'était du sérieux.
S'en est suivie une période de mal de tête phénoménal talonnée par un moment de lucidité tout droit issu de mes cours de vente de DUT Techniques de commercialisation. Il fallait d'entrée lui renvoyer un point d'interrogation, au MIIINDS, histoire de noyer le poisson et lui montrer accessoirement que je n'étais pas née de la dernière pluie :
Mais cette question a-t-elle un sens
et sacrebleu, pourquoi la poser maintenant ?
Que représentent ces deux mots : identité nationale ? J'ai perdu 30 ans en deux secondes, j'ai attrapé le Waterman de ma communion et une copie pour bachoter. Il s'agissait d'être à la hauteur de mon 13 sur 20 en philo de 1981.
Alors, voyons, la langue française... Oui, elle, j'adore la faire danser, la triturer, la décortiquer... Le drapeau... La première et la dernière fois que je l'ai secoué, j'étais sous l'emprise d'une Kilkenny, debout dans un pub de Londres à regarder un match de rugby dont je ne me souviens même plus de l'enjeu... Euh la Marseillaise... L'étendard sanglant, ces féroces soldats, un chant de guerre que je n'ai pas forcément envie d'entonner sous ma douche quand couverte de bulles de lavande, j'essaie vainement de me libérer de mes angoisses existentielles... Euh, Liberté-égalité-fraternité... Plus je vieillis et moins j'y crois...
Euh, quoi d'autre ? Tournez Manège, Sheila, PPDA, la Sécurité Sociale, Plus Belle la Vie, Johnny, le Louvre, Attention à la marche, la 2 Chevaux, les Châteaux de la Loire, Le Roi Soleil, le PSG, la Bastille, les guinguettes, Astérix, les Claudettes... Impossible, oui d'accord, dans les Guignols c'est tout, faut la sauver, plus tarte surtout, oui du temps de Gabrielle, carrément, ignoble, trop mignonne, classiques, despote mais belle maison, à la limite sans les supporters, ils ont bien fait de la prendre, et les guirlandes, sympa mais gaulo-gaulois, toute une époque... Un peu de ci, pas trop de ça, c'était pas par-là que j'allais trouver mon identité française. Ca se compliquait.
Ah, ça y est, le béret... Non, toujours pas ça... Euh, alors la baguette, le camembert, le saucisson, les tripes à la mode de Caen, le Cassoulet, l'Aligot, la mique, la blanquette de veau, le Munster, le pot-au-feu, les rillettes du Mans... Oui, là, côté marmite, j'étais bien française !
Et puis non, ça n'allait pas passé chez le Préfet. Pas assez sérieux, le coup de la tête de veau. Alors j'ai continué à gamberger... et j'ai enfin trouvé quelque chose qui tenait plus la route.
Les deux valeurs qui sont pour moi essentielles et qui pourraient éventuellement me pousser à revendiquer mon appartenance à la France : la démocratie et la laïcité. J'y crois dur comme fer.
A part ça, il m'arrive de me sentir bien plus proche de certains estrangers que de compatriotes mal embouchés et teigneux. La fierté est un sentiment que je ne comprends pas car il peut trop vite devenir synonyme d'orgueil, de supériorité et donc de mépris des autres. Nous avons à construire ensemble et pas les uns contre les autres.
Les uns contre les autres. C'est exactement ce que la France développe déjà actuellement en interne. Alors, non, en ce moment, je n'ai aucune raison d'éprouver de la fierté pour mon pays.
Je suis et je reste avant tout une habitante de la planète Terre. A chaque fois que je pose mon regard hors frontières, je mesure toute la veine que j'ai d'être née ici mais en tirer de la vanité équivaudrait à céder à la sottise. Les autres cultures, les différentes histoires représentent une richesse indéniable et quand on a l'opportunité d'y goûter et la volonté de s'en nourrir, c'est une chance qu'il faut saisir et ne jamais lâcher.
Le repli sur soi n'a jamais rien engendré de louable.
Enfin, tout ça, c'est des jolis discours. La vérite, c'est que je révise quand même la Marseillaise. Vous voyez pas que mon Préfet me dénonce et que le MIIINDS décide de m'expulser...
Allons z'enfants...
Bonne semaine à tous !