A la suite du premier épisode...
Ce matin, il fallait décaniller tôt en priant tous les Dieux de l'univers que Miss Cocotine ne soit pas tentée de me péter une petite crise de nerfs dont elle seule a le secret, tout ça parce que je n'ai pas mis le numéro un-zéro du CD Pirouettes-Cacahouètes ou que je n'ai pas écouté pieusement son interminable histoire d'Alexandra qui tire la couette de Manon.
C'est qu'en ce mercredi 16 juin 2010, il valait mieux ne compter que sur moi-même pour superviser, une fois encore, le parcours du combattant que représentent l'ingurgitation de trois céréales et deux bouts de bananes plus un verre de lait à la paille, trois minutes de brossage-comme-Maman-et-surtout-pas-comme-Papa, la mise en place du bandeau Kitty pour nettoyage de peau digne des plus grands instituts avec force "Miroir, mon beau miroir...", une toilette au gant ah-oui-fallait-le-mouiller-avant, le saut laborieux dans la culotte Snoopy suivi de près ou pas de celui dans le pantacourt, un effort titanesque pour enfiler un pauvre tee-shirt et un passage au salon pour démêler les noeuds et se retrouver avec la plus débridée des chouquettes sur le haut du crâne.
Oui, il valait mieux assumer en passant sous silence cette impression bizarre de traverser, une fois encore, un grand moment de solitude.
L'homme avait manifestement d'autres chats à fouetter que de prendre le relai pour me permettre de souffler un peu. A 7 heures pétantes, sa petite Samsonite bouclée, il fit ses adieux à la compagnie et partit le nez au vent, tel un héros, pour attraper son Airbus à Nantes-Atlantique.
Mon karma, à moi, était nettement moins excitant.
A 9h15, j'étais dûment convoquée par le Conseil Général du double four pour démontrer tout mon savoir-faire en matière de version, le but étant de grappiller des points, sachant que seuls ceux au-dessus de 10 seraient
pris en compte. Il s'agissait donc de briller franchement et de viser sans complexe
le 19 ou le 20 en anglais.
Depuis trois jours, j'avais soigneusement briefé Miss Cocotine. Pas question de prendre le chou à Maman mercredi matin sous peine de la voir
se
transformer en monstre-comme-il-n'en-existe-même-pas-dans-les-Pomme-d'Api-et-Youpi-les-plus-terrifiants. Faut croire que mon pouvoir de persuasion a été à la hauteur. La minette s'est réveillée comme un lapin qui sort d'un chapeau, a battu la grande aiguille et s'est lavée et habillée en moins de deux.
Le trésor confié au centre de loisirs à 7h58, j'ai réussi à passer sud-Loire et à atteindre La Troc' sans encombre. Encore une salle de spectacle dont je ne soupçonnais même pas l'existence. De plus anxieux que moi étaient déjà là, assis sur les marches, dans l'attente du lever de rideau. Je suis restée dans ma décapotable à écouter distraitement le duo Paillé-Touraine s'étriper au sujet de la réforme des retraites tout en aspergeant ma langue de Rescue.
A 9h15 pile, j'ai suivi la petite troupe aux mines concentrées qui s'était formée peu à peu dans le hall et je me suis installée à ma table étiquetée sans davantage d'émoi. La salle, de taille M par rapport à celle de La Beaujoire, ne m'impressionna même pas. Je me sentais en passe de devenir une vraie bête à concours tout en étant consciente que courir après cette nouvelle vocation juste au moment où les cotisations des fonctionnaires allaient augmenter, ce n'était quand même pas très futé.
Mon petit triangle rempli et collé d'un geste vengeur qui signifiait ceux-là-au-moins-ils-ne-me-balanceront-pas-parce-que-j'ai-46-ans, j'ai sagement attendu le sujet. Lorsque la gentille organisatrice a donné son feu vert, je l'ai retourné et l'un de mes sourcils est resté figé en l'air pendant que j'éclatais de rire intérieurement :
Nicolas Sarkozy to introduce French pension reforms
Du grand art. On pouvait difficilement mieux coller à l'actualité, notre cher Ministre du Travail étant sur le point de déballer le plan d'attaque du gouvernement en matière de retraite.
14 lignes ne m'ont posé aucun problème mais la 15ème m'a obligé à rendre un morceau de vide et m'avouer ainsi vaincue. Tout ça à cause du mot "burden" que je n'avais jamais rencontré de ma vie et cette foutue phrase "His government wants to cut the pension burden ont he state" qui m'a laissé sans encre.
Je suis sortie de mon heure de réflexion intense de fort mauvaise humeur. Pour le 19 ou le 20, c'était cuit. Burden, burden, what doest it mean ? Burden, burden, fucking burden...
Du coup, un instant de folie. J'ai déboulé chez H&M à Beaulieu où j'ai essayé la moitié du rayon femme, histoire d'oublier this so stupid "burden".
Après avoir passé mes nerfs dans quatre cabines d'essayage, j'ai changé de magasin sans me rendre compte que je mettais manifestement la barre trop haut.
Des maillots de bain, je me suis toquée d'essayer des maillots de bain. Pour la première fois de la saison printemps-été 2010, en plus. Fallait vraiment que je sois au bout du rouleau.
Vous imaginez l'erreur ?
Ca m'a calmée direct.
J'ai tout reposé et je suis rentrée à la maison pour vérifier le mot "burden" dans mon Harrap's.
Burden, ça veut dire fardeau...
Là, j'ai pouffé. Si le burden du gouvernement, c'est
la retraite, le mien, c'est bien la recherche d'emploi
.
Fucking burden !