Plombée par mon inaptitude crasse à intégrer l'équation diplômes + expérience+ formations + concours = cocktail détonant chômage-SMIC-précarité, j'ai traversé la 40ème semaine de l'an 2011 dans la plus pure misanthropie en priant Bouddha de m'aiguiller vers une existence de molosse aux crocs acérés, le seul vrai moyen, à mes yeux, d'assouvir ma terrible vengeance :
Déchiqueter les fonds de culottes de tout ce que le pays peut compter de sélectionneurs-recruteurs-chasseurs-trieurs aussi avides de sang que les cinq toréadors filmés en pleine jouissance par Didier Cros dans La gueule de l'emploi et oeuvrant pour une compagnie d'assurance fort connue à laquelle je ne risque pas de confier un jour un seul centime.
C'est donc sans surprise que je me suis extirpée du lit dimanche matin complètement burnoutée.
Point de pancakes crépitants ou de confitures alléchantes à l'horizon, mon Léon, propre comme un sou neuf, venait juste de claquer la porte, sa carte d'électeur et son euro sous le bras.
Aquaboniste à souhait, j'ai traîné ma carcasse jusqu'à la bouilloire en persiflant pauvre-gars-il-y-croit et teigneuse, j'ai lancé aux trois moustiques présents moi-j'en-ai-rien-à-carrer-c'est-pas-ça-qui-va-changer-my-life.
La matinée a défilé dans cette douce quiétude et notre saladier de pâtes quotidiennes englouti, la Cocotine's family au grand complet - j'aime bien, au grand complet, ça me donne l'illusion d'avoir droit, moi aussi, aux allocations familiales - s'est jetée dans le tas de plumes défraîchi pour savoir si l'exercice proposé déchainait les passions.
Allez savoir si c'est l'effet des sucres lents ou la vision de mon ancien bureau de vote du 11ème blindé de monde, j'ai tout-à-coup réalisé que je ne pouvais décemment pas passer à côté d'un si grand moment d'histoire. Ni une ni deux, j'ai vidé mon porte-monnaie et fière d'être une bonne citoyenne, je suis partie me défouler dans l'isoloir.
Sans suspens extravagant, les deux candidats que les sondages nous avaient promis sont sortis du chapeau et mon espoir infinitésimal de vie meilleure en bandoulière, j'ai attaqué ma dernière semaine de contractuelle en m'interrogeant sur leurs réelles capacités à effacer les 26000 € de dette publique que, tout comme chaque français, je me traîne comme un boulet.
Martine ou François
François ou Martine
Lequel des deux pourra enfin délivrer mon-PDPA-bien-aimé d'une lourde présidence et lui permettre - car peut-être n'aspire-t-il qu'à ça après tout - d'être un père aimant et assez vigilant pour que son rejeton ne soit pas étiqueté "à haut risque" dès la grande section ?
Martine ou François
François ou Martine
Depuis mercredi, je réfléchis.
Qui s'est le mieux vendu ?
Qui a le plus
la gueule de l'emploi ?
A moi les bandérilles et la muleta, je vais pouvoir utiliser les méthodes condescendantes et humiliantes vues à la téloche, leur balancer du vous-avez-de-la-chance-d'être-avec-nous, les humilier d'un vous-êtes-conscients-que-vous-nous-donnez-l'impression-d'être-lent-à-comprendre, les torturer de c'est-très-opportuniste-votre-candidature-je-vous-sens-fébrile-vous-avez-les-pieds-qui-s'agitent et pérorer lui-il-est-un-cran-au-dessus-pour-que-son-intégration-soit-réussie.
Quoi ?
Pour une fois que je suis du bon côté du bureau.
Quoi ?
C'est le système qui impose ces méthodes et je n'en suis pas personnellement responsable.
Quoi ?
Ce n'est pas une fiction ?
Dommage, je me sentais prête à tout pour les départager.
A lire, les réactions de Libération, Le Nouvel Observateur et L'express suite à la création d'un site indépendant par quelqu'un que le documentaire susnommé a visiblement encore plus énervé que moi, et qui, manifestement, n'a pas la sagesse ou la naïveté suffisantes pour attendre que Bouddha l'aide à régler ses comptes dans une prochaine vie.
Vous le croirez ou pas mais pendant que je m'usais les neurones à déterminer qui serait le plus compétent pour nous éviter une faillitte à la grecque, réguler un peu le monde économique et financier
et remettre de l'humanisme
dans le chaudron,
mon Léon, tout émoustillé par le destin rose bonbon du gagnant des 162 millions d'euros, en profitait pour flanquer les 8 € restant du billet de 10 dans une grille d'espoir.
En voyant ça, j'ai perdu les pédales.
S'il abandonnait son avenir aux doigts crochus de la Française des Jeux, c'est qu'il n'avait peut-être pas autant la foi qu'il avait bien voulu me le faire croire dimanche matin et qu'il pensait probablement que l'ascenseur social n'était pas prêt de repartir dans le bon sens.
Là, je me suis dit :
Quand c'est flou,
c'est qu'il y a un loup.
Un tel désenchantement, ça m'a foutu un coup.
Me faire ça à moi,
qui suis en tout début de carrière.
Un coup à perdre définitivement l'ambition de parader en catégorie A à 79 ans.
Vous dansez, vous chantez ?
Parce que, bizaremment,
tout ça, ça me donne envie
de me trémousser comme une dingue.
J'accepte toutes les bonnes volontés !
Her name was Lola, she was a showgirl
With yellow feathers in her hair
and a dress cut down to there
She would merengue and do the cha-cha...
And while she tried to be a star, Tony always tended bar
Across a crowded floor, they worked from 8 till 4
They were young and they had each other
Who could ask for more?
At the Copa, Copacabana,
The hottest spot north of Havana
At the Copa, Copacabana,
Music and passion were always the fashion
At the Copa....they fell in love...
Bon week-end à tous !
Samedi 12h44 : Mon Léon a coché les mauvaises cases. Elle est où, ma carte d'électeur ?